Bulletin n°25 : janvier 2003
Les Armoiries de Linas

voir les blasons en couleurs

Les linois sont familiarisés avec le sigle (ou le logo comme on dit encore) de Linas.

Depuis de nombreuses années la Municipalité, de nombreuses associations " personnalisent " les divers documents qu’ils éditent, les banderoles, les oriflammes, les tracts publicitaires, avec l’écusson portant sur fond rouge, la palme, la crosse et l’étoile.

Cependant, certains s’interrogent :

" Quelle est l’origine et la signification de cet écusson, si agréable à l’œil ?… "

Disons le tout net : cet écusson est issu des armoiries du chapitre de la Collégiale St Merry de Linas.

Vers 1960, Monsieur PERDRIGEON étant maire, on a pu voir, le jour de la distribution des prix à l’école, décorant l’arrière du podium, un immense écusson en étoffe rouge, de près de 3 mètres de haut, orné d’une crosse d’or et d’une palme verte, surmontés d’une étoile d’argent.

Cet écusson est décrit et commenté dans un ouvrage sur les blasons des villes du département conservé aux Archives Départementales. Il est la transposition des armoiries de la Collégiale, présentes dans l’église en plusieurs endroits, dans les siècles passés.

Le procès verbal de 1603

Dans un document figurant aux Archives Départementales ( G282 ) il est fait longuement mention d’un procès-verbal dressé en 1603 à la requête des chanoines par deux notaires de Montlhéry : Joseph MALHERBE et Etienne LHERITIER. Ils y font la description des différentes représentations de ce blason.

Ne soyons pas choqués par l’orthographe de certains mots, nous avons transcrit le texte dans son écriture originale.

Le vitrail central du chœur

(A)

Derrière le chœur, trois grands vitraux forment le registre du bas. De nos jours, celui du centre représente le christ, ceux des côtés montrent St Vincent et St Merry.

En 1603 :

" …sur celle [ la fenêtre ] du milieu se trouvent en peinture un ECUSSON, fond gris, entouré de deux palmes peintes en couleur verte, sur lequel sont représentées, en rouge, une grande croix et quatre petites croix dont une dans chaque angle de la ditte grande croix, au dessus duquel écusson est écrit, ès caractères ci-après :

ΔΟΞ Α ΕΝ ΥΨΙΣΤΟΙΣ ΘΕΩ ΑΝΤΟΝΙΟΣ

ΡΕΙΝΑΛΔΟΣ ΑΠΟΔΗΜΟΣ ΙΕΡΟΣΟΛΝΜΙΤΙΣ (sic)

Μ Ve LXVII ”

(Pour sa croyance en un Dieu au plus haut des cieux, Antonios Reinaldos (sic), habitant de Jérusalem, partit hors de son pays). Cette inscription date de 1567 et nous laissons le soin au lecteur d’en interpréter le sens exact.

Les vitraux de droite et de gauche

(B)

 

" Sur celle [ la fenêtre ou le vitrail] à droite, en entrant dans l’église, est un autre écusson fond bleu, sur lequel est une partie rouge, sur laquelle sont représentés une palme droite de couleur verte, un bourdon (*) droit auxquels sont attachés une gibecière et une gourde ; ces dernières pièces en couleur or. "

(C)

" Sur celle à gauche en entrant, est en peinture la représentation de St Méry et, au-dessous, écrit " St Méry ", au-dessous de laquelle inscription est un écusson, fond rouge, sur lequel sont représentés à droite une palme en couleur verte, à gauche une crosse en couleur d’or, droite, et entre lesdittes palme et crosse, en bas, une étoille en blanc. A deux des vitraux de la croisée du milieu, au-dessus de la grille collatérale, à gauche du chœur se trouve peint : mil-cinq-cent-soixante… ".

Nous voyons que la représentation de l’écusson présente des variantes : ici un bourdon de pélerin, là une crosse d’abbé. A droite l’écusson est bleu avec une partie rouge, il n’y a pas d’étoile, alors qu’à gauche il y en a une.

Les deux vitraux de la croisée du milieu sont peut-être à l’entrée de la nef, ou bien peut-être sont-ils dans les chapelles latérales. Nous n’avons pu interpréter ce passage.

Le maître-autel

" Dans le chœur, l’entablement du maître-hôtel [ maître-autel ] représentée au dessus un écusson fond rouge, sur lequel est, à droite, une palme droite de couleur verte, à gauche une crosse droite de couleur d’or et une étoille blanche, en chef, entre les deux, ledit écusson traversé par derrière d’un baston cantoral et couvert d’un chapeau abbatial, de chaque côté duquel pend un cordon orné de six glands… "

Disposition de l’église

Avant d’aborder ce paragraphe, il n’est sans doute pas inutile de rappeler l’architecture de l’église ancienne.

A cette époque les chanoines occupaient le chœur où se trouve le maître-autel. Il était séparé de la nef, beaucoup plus basse par une grille ouvragée qui s’ouvrait par une belle porte à deux vantaux.

Au bout de la nef, attenant à la grille du chœur, il y avait deux chapelles latérales. Celle de gauche servait aux offices de la paroisse.

De sorte que le chapitre et les habitants avaient chacun leur partie dans l’église, bien séparées par la grille.

La grille du chœur

(E)

Mais il temps de revenir à notre procès-verbal.

"…A la grille collatérale du chœur, à droite en entrant, au-dessus de la porte de laditte grille est une palme faisant le couronnement du chapiteau.

A la grille collatérale du chœur, à gauche en entrant, au-dessus de la porte est une crosse faisant le couronnement du chapiteau de laditte grille. "

La salle du chapitre

(F)

Au-dessus de la sacristie, au premier étage, existait une pièce de la même grandeur. Un escalier permettait d’accéder directement de l’église à cette salle où les chanoines se réunissaient pour délibérer sur les affaires de la collégiale, sous l’autorité de leur DOYEN. On y entreposait aussi les archives.

" Au dessus de la porte par où l’on monte à la salle du chapitre, est, en boiserie, un écusson représentant, d’un côté, à droite, une crosse, de l’autre côté, à gauche, une palme, au milieu une étoile ; traversé d’un bâton cantoral, ledit écusson couvert d’un chapeau abbatial duquel pend, de chaque côté un cordon orné de six glands, le tout en couleur de bois. "

La porte d’entrée

" Au-dessus de la principale porte de l’entrée de l’église est un écusson de pierre de lierre représentant une palme et une crosse en sautoir, une étoille en chef et un bâteau cantoral, traversant par derrière ledit écusson au-dessus duquel écusson est un chapeau abbatial, de chaque côté duquel pend un cordon orné de cinq glands… "

" En sautoir " veut sans doute montrer que la palme et la crosse étaient disposées en croix sur l’écusson de pierre.

L’analyse de ce procès-verbal de 1603, montre que le chapitre des chanoines tenait à faire la preuve de ses prérogatives et de son importance dans la paroisse.

Il était " Seigneur en partie " de Linas, au nom de l’abbaye de St Merry de Paris dont il dépendait.

Ce texte est rédigé avec sécheresse et la précision dans le détail qui convient à un procès-verbal destiné à faire foi.

C’est un document de grande valeur qui établit l’origine des armoiries de la collégiale d’abord et de la ville à sa suite.

Signification du blason

L’interprétation de cet écusson a souvent de nos jours prêté à discussion. Les hypothèses se sont succédées. Voici celle qui semble la plus vraisemblable et qui est couramment admise, d’après les témoignages recueillis auprès d’anciennes et d’anciens linois de vieille souche et d’après l’histoire collégiale.

La crosse dorée : elle symboliserait St Merry, patron de l’église qui dépendait de l’abbaye St Merry de Paris.

La palme verte : elle honore les martyres. Or Vincent était un diacre espagnol de Valence, à l’époque romaine, au 4ième siècle, il fut martyrisé pour avoir refusé d’abjurer sa foi. Il est le saint patron des vignerons et second patron de la paroisse.

L’étoile à cinq branches : blanche ou argentée que l’on peut voir sur l’écusson, tantôt en bas entre palme et crosse, tantôt au dessus (en chef).

Elle donne lieu à diverses interprétations très voisines qui peuvent se confondre entre elles.

1/ c’est la quintessence du monde visible, la pensée la plus pure et la plus subtile, à l’époque médiévale.

2/ elle guide l’homme sur la voie du ciel.

3/ elle est le moyen de l’œuvre.

4/ c’est le Sceau du St Esprit.

On peut donc penser que sur notre écusson, elle représente la noblesse de l’homme, sa spiritualité et son idéal de bonheur.

Le chapeau abbatial : avec cordons et glands (5 ou 6). Il est l’apanage de l’abbé (ayant quasiment rang d’évêque), supérieur et directeur spirituel des moines de l’abbaye de Paris et, par extension, des chanoines de Linas, dirigés par leur doyen.

Le bâton cantoral ou la crosse : elle apparaît derrière l’écusson. Elle est aussi le symbole de l’autorité de l’abbé et de son rôle de pasteur des fidèles.

L’antiphonaire de Linas

Outre ce document de 1603, nous avons un autre témoignage sur ces armoiries : c’est l’antiphonaire de Linas.

Un antiphonaire est un volume, en général manuscrit. C’est un recueil, particulier à une paroisse, qui contient les versets de psaumes et les répons qui doivent être chantés pour accompagner la célébration des offices lors des fêtes religieuses.

Les lettrines, têtes de paragraphes en sont enluminées et les notes sur la portée indiquent un chant grégorien.

Il existe un tel ouvrage à l’église. C’est un manuscrit de 62 cm X 48 cm qui comporte 74 pages avec des enluminures à l’aquarelle, exécutées avec beaucoup de finesse. Il est relié en cuir. Il était il y a 20 ans en état pitoyable. En 1984, avec l’autorisation de la Municipalité et de la Cure, l’Association " Patrimoine et Tradition " a procédé à sa restauration, à l’initiative de Monsieur Pierre MARTIN, notre président fondateur.

La page de titre de la première partie est intitulée en latin :

OFFICIUM S. MEDERICI ABBATIS,

Ecclesiae Collegiatae et Paroschialis De LINOIS

VILLA CRANAE, Apud JACOBUS LE BOUC, Rect. sch. MDCCLXII Patroni.

Cet " OFFICE de Saint MEDERIC, ABBE, Patron de l’église Collégiale et Paroissiale de Linois " est donc un manuscrit écrit en 1762, sans doute à Villecresnes (Val de Marne), chez Jacques Le Bouc, Maître d’Ecole.

Ce titre est couronné par un écusson aquarellé de forme ovale présentant tous les attributs déjà décrits :

- L’étoile entre la palme verte et la crosse jaune à gauche.

  • Le chapeau abbatial avec de chaque côté les cordons auxquels pendent cinq glands.

Derrière apparaît le bâton cantoral surmonté d’une petite logette à 6 ou 8 faces semblable à une tente royale telle qu’on les voit représentées sur les tableaux montrant le roi en campagne militaire. A l’intérieur, on peut deviner un petit personnage dont on ne sait expliquer la présence.

Et de nos jours

 

L’écusson de Linas, nous pouvons le voir, a évolué à partir de ce symbole de la puissance et de l’autorité de la Collégiale de Linas, " Seigneur censier " d’une partie du village et qui a été pendant plusieurs siècles le siège d’un doyenné considérable de l’Evêché de Paris.

Il a perdu tout ce qui avait un caractère ecclésiastique (chapeau, glands, bâton) pour ne conserver que la palme verte, la crosse dorée et l’étoile à cinq branches sur fond rouge.

Il a évolué aussi dans sa forme qui est tantôt celle de l’écu classique, tantôt un triangle plus sobre.

Mais il continue d’être le symbole de notre ville. Il rappelle qu’elle fut dans les siècles passés un modeste village de quelques chaumières qui se serraient entre sa belle collégiale et sa petite rivière, et que l’humble hameau est devenu lentement une cité qui n’a cessé de croître grâce au labeur et au courage de tous ceux qui se sont succédés sur son sol au cours des siècles et dont nous sommes les héritiers.

Textes de Roger Bertel
Illustrations de Jean-Pierre Parain

Note de l’illustrateur

L’origine des Armoiries est très ancienne, elle se perpétue par les blasons régis par l’art héraldique. C’est le Roi de France Louis VII dit Le Jeune qui fit passer à la postérité cet art lors des croisades en 1147. L’empereur Frédéric Barberousse créa les règles de l’art héraldique, ou science du blason en 1160 pour les tournois de la noblesse.

Blasen signifie en allemand : " sonner, publier ", d’où blason. Ce graphisme permet dans tous les jeux militaires d’afficher lors des tournois et guerres, sur les boucliers, heaumes et harnachements, des signes de reconnaissance. Par la suite, chaque famille s’attache à montrer ses Armoiries, de père en fils aîné, avec des variantes pour les cadets et des adjonctions lors des mariages.

Mais ces blasons ne sont pas réservés aux seuls nobles, six sortes sont codifiés : Domaine, Dignité, Concession, Patronage, Société et Famille. Ceci explique que les armoiries de Linas trouvent leur source à la collégiale de Linas gérée par le chapitre des chanoines.

C’est pourquoi, en l’absence de dessins des blasons évoqués dans ce texte, l’illustrateur, aux dires des textes, s’est inspiré des exemples des encyclopédies d’art héraldique pour traduire ces descriptions par des représentations possibles des différentes sources historiques du blason de Linas.

(*) Glossaire

Le bourdon : bâton de pélerin, auquel on associe la gibecière ou la besace contenant les vivres et la gourde pour la boisson.

Le bâton cantoral : accompagnait les armoiries d’un dignitaire ecclésiastique et supportait éventuellement le chapeau abbatial.

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écrit de l'Association Linas Patrimoine et Traditions
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