Bulletin n°1 : mars 1993

Compagnon fidèle du maraîcher
Le cheval

  Une fois l'an, en janvier, nous vous rencontrons et à cette occasion, l'Association présente l'activité de l'année écoulée.
  Tout au long des mois, "Patrimoine et Traditions" existe au gré d'une publication, d'une manifestation.
  Aujourd'hui, nous souhaitons par cette diffusion, créer un lien entre tous les adhérents, vous rencontrer... "La rencontre est une naissance". Souhaitons que ce nouveau-venu, favorise celle-là.
  Les feuilles de ce bulletin sont des espaces à aménager, à imaginer. Leur diversité fera leur richesse.
Au plaisir de vous lire.

Michel Petit

 "Quand on voyait un portail en bois plein, qui fermait une cour, pas de doute : habitait là un maraîcher. Il se réfugiait, aurait-on dit, il s'enfermait. Les paysans formaient une catégorie à part, comme une caste dans la petite ville. On retrouvait la même mentalité dans tous ces villages du Hurepoix... Ils se suffisaient à eux-mêmes. Un cheval, un seul, un beau cheval de labour. Le tas de fumier "au carré" visible dans la cour quand s'ouvrait le portail (ce qui ne se produisait pas souvent)...
"Gaston Chevereau - De l'étable au tableau.

  Rue Fromagère, rue Monvinet, rue Division Leclerc (côté Pèlerine), elles sont nombreuses les maisons qui s'ouvrent sur la rue par cette porte cochère. Signe du temps, toutes ont abrité une famille de maraîchers. Les terres fertiles alentour permettaient une polyculture intensive : asperges, carottes, choux, haricots, petits pois, pommes de terre, potirons, oignons, fruits... et bien sur tomates que le "ventre", Paris, absorbait sans indigestion. Pas un arpent inculte, pas même pour le seul éleveur et sa trentaine de vaches. Contraintes et forcées, elles restaient à demeure, en stabulation aux numéros 64bis et 64ter de la Division Leclerc. M. Cédiak, le laitier, les nourrissait de fourrage, de betteraves mais aussi de "cossas" de petits pois et de trognons de choux qui s'entassaient le soir au pied des maisons, et qu'il transportait avec ses deux chevaux.
  Compagnon fidèle du maraîcher, le cheval l'était pour tous les travaux des champs. Cheval de labour, mais aussi de buttage, de binage, de hersage... et souvent de transport. Ce sont de lourdes récoltes qu'il débardait des champs dans un tombereau aux roues cerclées de fer que façonnait ou réparait M. Kléber Voise, le charron du 153 de la Division Leclerc. Après que les légumes aient été préparés, il les transportait, à nouveau, soit chez Omer Decugis, mandataire, soit à la gare, afin, qu'au plus vite, grâce à l'Arpajonnais, ils arrivent à Paris. Après 1936, année de la fermeture du tronçon Arpajon-Longjumeau, il n'eut plus à effectuer ce travail. Désormais, les transporteurs privés, relayaient l'Arpajonnais et les hautes piles de cageots s'entassaient devant les portes cochères.
  Son horizon était limité, il parcourait alternativement le chemin des champs et celui de l'écurie. Pourtant quelquefois, il quittait son chemin routinier. Il se rendait près du pont de la Sallemouille chez le maréchal ferrant, M.Fahuet (puis M. Gosse) et là, docilement, il donnait à cet étranger, membres antérieurs ou membres postérieurs pour être referrés. Son maître en profitait pour apporter une charrue ou une herse défectueuse et tous les six mois, réglait son dû.

La Mutuelle de Linas

  Deux fois l'an, il se rendait sur la place de la mairie. Il retrouvait alors tous les chevaux de la Mutuelle, société d'assurances mutuelles agricoles contre la mortalité du bétail (races chevaline et asine), pour une inspection en règle. La Mutuelle avait été créée le 24 janvier 1926 par les cultivateurs de Linas pour secourir ses membres dans les pertes éprouvées par la mort des animaux assurés. Un exemple de solidarité paysanne. Ceux qui refermaient prestement leur lourd portail de bois savaient ouvrir leurs bras et tendre leurs mains au voisin en détresse. En cas de décès d'un animal, tous les membres y compris l'assuré supportaient le remboursement de l'animal perdu. La répartition était faite par le secrétaire.
  Dans les registres de l'association, on note trente huit chevaux assurés décédés de 1926 à 1955. Les causes de décès sont les suivantes : seize dûs aux coliques, deux au tétanos, un à la vieillesse, un à la congestion, un à une névrose, quatre à une paralysie, deux à une chute, un à une hernie,un dont la cause indiquée est "boiterie" et un autre "fourbu". Sept causes ne sont pas indiquées.
  A sa création, l'association comptait 53 membres actifs pour 54 chevaux assurés. Les propriétaires d'animaux employés au transport des voyageurs et les camionneurs ne pouvaient pas en faire partie. Deux fois l'an donc, en avril et en octobre, les animaux assurés étaient examinés sur la place de la mairie par le conseil d'administration et le vétérinaire. Les visites et les traitements prescrits restaient à la charge du propriétaire. Un mauvais traitement pouvait entrainer l'exclusion du sociétaire. Aucune exclusion n'a été prononcée. Un mauvais traitement était synonyme d'un mauvais rendement au travail. De plus, dire que le propriétaire éprouvait de la tendresse pour son cheval n'est pas exagéré. Les anciens agriculteurs, parlent tous de leur compagnon de labeur, confident bienveillant. Ces visites avaient pour but également d'estimer la valeur marchande de l'animal.

Les années de guerre

  Pendant l'occupation allemande les chevaux furent menés à Arpajon, réquisitions obligent. Les plus jeunes, les plus robustes rejoignaient l'armée allemande. Les propriétaire démunis ne le furent pas deux fois. Ils ne pouvaient pas se passer d'un cheval. L'achat qui s'ensuivait fut celui d'un animal âgé ou d'un cheval entier trop fougueux pour l'occupant. La leçon avait été retenue. On ne les y prendrait plus.
  Les lendemains de bombardements du terrain d'aviation de Brétigny, de 1942 à 1944, les jeunes gens de Linas devaient se rendre, accompagnés de leur cheval attelé, sur le chantier de la déviation de la nationale 20. Les travaux, retardés par les positions successives du conseil municipal qui souhaitait que la route fût construite plus à l'ouest afin de préserver les jardins dans leur intégralité, étaient provisoirement interrompus. Là, sous la surveillance de soldats allemands, ils devaient charger les cailloux entassés, les transporter et boucher les trous d'obus du terrain d'aviation.
  Le 31 décembre 1955, la société fut dissoute par le bureau. Il ne restait que 26 membres et 50F en caisse. Marius Hardy en avait été le président depuis sa création jusqu'en 1951, Emile Vallée lui succéda.
  La mécanisation s'imposait alors irrémédiablement. Le tracteur remplaçait le cheval. Des nostalgiques pourtant conservèrent leur animal. Mathias Serec fut le dernier de ceux-là, "Gristou" ne travaillait plus, il sortait dans Linas "pour prendre l'air" jusqu'en 1979. Aujourd'hui, Paris, "le ventre", étend les tentacules de l'urbanisation. Les tracteurs bleus de Luc Charpentier et de Patrick Petit qui sillonnent encore nos rues sont des témoins vivants de notre passé rural.

Presque dix ans

"  Président-Fondateur", c'est certes un beau titre, dont je tire une légitime fierté, mais finalement, on peut se demander si le véritable fondateur de notre Association n'est pas Philippe de Champaigne dont trois oeuvres remarquables de son école ornent l'église St Merry de Linas. Ce sont elles qui ont déclenché notre action en faveur du patrimoine historique et artistique local, à quoi s'est très vite ajouté le désir de faire connaître et conserver les traditions de notre commune.
  Je voudrais rappeler encore que, si notre acte de naissance date du 29 octobre 1984, nous avons voulu privilégier l'action et les réalisations concrètes avant même les nécessaires prises de positions administratives : état d'esprit qui se perpétue au fil des années.
  C'est ainsi que le 12 mai 1984, était présenté à un petit groupe de Linois un antiphonaire des XVIII et XIXème siècle, restauré par Jacques Poigny, à qui il avait été confié quelques semaines auparavant.
  Notre Association continue aujourd'hui encore à prouver son dynamisme et sa vitalité à travers un certain nombre d'initiatives parmi lesquelles il faut citer : le dépouillement des archives, plusieurs éditions, une gravure originale de l'église, une série de cartes postales sur la commune et une autre sur l'autodrome; le rallye jeune "A la recherche du Linas ancien"; des expositions dont "Les Grandes Heures de l'Autodrome" et la publication de l'album "linas en Cartes Postales".
  Tels furent les débuts et les réalisations les plus marquantes des (presque) dix années écoulées.

Pierre Martin
Président-Fondateur


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écrit de l'Association Linas Patrimoine et Traditions
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